Documents complémentaires :
1) Un exemplum : le Jugement du Roi Salomon (Ancien testament, Livre des Rois)
2) "Préface aux contes en prose" (extrait) de Perrault
3) "A Monseigneur Dauphin" (extrait) de La Fontaine
4) Un conte merveilleux : "Les Fées" de Perrault (in Histoires ou contes des temps passés)
Définitions, rappel :
Exemplum : dans la Bible ou les sermons religieux, il s'agit d'un récit mettant en scène un personnage illustre, incarnant des valeurs chrétiennes, et érigé comme modèle à suivre.
Parabole : dans la Bible, il s'agit également d'un court récit illustrant une morale religieuse. Les paraboles les plus célèbres (il est recommandé d'en lire au moins une) : Le bon Samaritain, le Fils Prodigue.
Argumentation directe : argumentation qui expose une thèse et des arguments sans passer par le biais d'un récit (discours, article de presse, essai, etc.).
Argumentation indirecte : argumentation enrobée sous un récit qui illustre la thèse (tous types d'apologues, utopies, conte-utopies, poèmes engagés, théâtre à thèse, etc.)
1) Le Jugement du Roi Salomon, 1 Rois 3,16-28 :
Alors deux prostituées vinrent se présenter devant le roi (Salomon). L'une dit : "Je t'en supplie, mon seigneur; moi et cette femme, nous habitons la même maison et j'ai accouché alors qu'elle s'y trouvait. Or, trois jours après mon accouchement, cette femme accoucha à son tour. Nous étions ensemble, sans personne d'autre dans la maison; il n'y avait que nous deux. Le fils de cette femme mourut une nuit parce qu'elle s'était couchée sur lui. Elle se leva au milieu de la nuit, prit mon fils qui était à côté de moi - ta servante dormait - et le coucha contre elle; et son fils, le mort, elle le coucha contre moi. Je me levai le matin pour allaiter mon fils, mais il était mort. Le jour venu, je le regardai attentivement, mais ce n'était pas mon fils, celui dont j'avais accouché". L'autre femme dit : "Non ! mon fils, c'est le vivant, et ton fils, c'est le mort"; mais la première continuait à dire : "Non ! ton fils, c'est le mort et mon fils, c'est le vivant". Ainsi parlaient-elles devant le roi. Le roi dit : " Celle-ci dit : "Mon fils, c'est le vivant, et ton fils, c'est le mort"; et celle-là dit : "Non ! ton fils, c'est le mort, et mon fils, c'est le vivant" ". Le roi dit : "Apportez-moi une épée !" Et l'on apporta l'épée devant le roi. Et le roi dit : "Coupez en deux l'enfant vivant et donnez-en une moitié à l'une et une moitié à l'autre". La femme dont le fils était le vivant dit au roi, car ses entrailles étaient émues au sujet de son fils : "Pardon, mon seigneur ! Donnez-lui le bébé vivant, mais ne le tuez pas ! " Tandis que l'autre disait : "Il ne sera ni à moi, ni à toi ! Coupez ! " Alors le roi prit la parole et dit : "Donnez à la première le bébé vivant, ne le tuez pas; c'est elle qui est la mère".
Tout Israël entendit parler du jugement qu'avait rendu le roi et l'on craignit le roi, car on avait vu qu'il y avait en lui une sagesse divine pour rendre justice.2) Charles Perrault, Préface des Contes en vers, 1695.
[Les gens de bon goût] ont été bien aise de remarquer que ces bagatelles n'étaient pas de pures bagatelles, qu'elles renfermaient une morale utile, et que le récit enjoué1dont elles étaient enveloppées n'avait été choisi que pour les faire entrer plus agréablement dans l'esprit et d,'une manière qui instruisît et divertit tout ensemble. [... ] La plupart de celles [des fables] qui nous restent des anciens n'ont été faites que pour plaire sans égard aux bonnes mœurs qu'ils négligeaient beaucoup. Il n'en est pas de même pour les contes que nos aïeux ont inventés pour leurs enfants. Ils ne les ont pas contés avec l'élégance et les agréments dont les Grecs et les Romains ont orné leurs Fables; mais ils ont toujours eu un très grand soin que leurs contes renfermassent une moralité louable et instructive.
1. récit enjoué : récit gai et divertissant.
3) La Fontaine, « À Monseigneur le Dauphin », Préface aux Fables, 1668.
MONSEIGNEUR,
S'il y a quelque chose d'ingénieux dans la république des lettres, on peut dire que c'est la manière dont Ésope1 a débité sa morale. Il serait véritablement à souhaiter que d'autres mains que les miennes y eussent ajouté les ornements de la poésie, puisque le plus sage des anciens a jugé qu'ils n'y étaient pas inutiles. J'ose, MONSEIGNEUR, vous en présenter quelques essais. C'est un entretien convenable à vos premières années. Vous êtes en un âge où l'amusement et les jeux sont permis aux princes; mais en même temps vous devez donner quelques-unes de vos pensées à des réflexions sérieuses. Tout cela se rencontre aux fables que nous devons à Ésope. L'apparence en est puérile, je le confesse; mais ces puérilités servent d'enveloppe à des vérités importantes.
Je ne doute point, MONSEIGNEUR, que vous ne regardiez favorablement des inventions si utiles et tout ensemble si agréables, car peut-on souhaiter davantage que ces deux points ? Ce sont eux qui ont introduit les sciences parmi les hommes. Ésope a trouvé un art singulier de les joindre l'un avec l'autre. La lecture de son ouvrage répand insensiblement dans une âme les semences de la vertu, et lui apprend à se connaître sans qu'elle s'aperçoive de cette étude, et tandis qu'elle croit faire toute autre chose. C'est une adresse dont s'est servi très heureusement celui sur lequel Sa Majesté a jeté les yeux pour vous donner des instructions. Il fait en sorte que vous apprenez sans peine, ou, pour mieux parler, avec plaisir, tout ce qu'il est nécessaire qu'un prince sache.
S'il y a quelque chose d'ingénieux dans la république des lettres, on peut dire que c'est la manière dont Ésope1 a débité sa morale. Il serait véritablement à souhaiter que d'autres mains que les miennes y eussent ajouté les ornements de la poésie, puisque le plus sage des anciens a jugé qu'ils n'y étaient pas inutiles. J'ose, MONSEIGNEUR, vous en présenter quelques essais. C'est un entretien convenable à vos premières années. Vous êtes en un âge où l'amusement et les jeux sont permis aux princes; mais en même temps vous devez donner quelques-unes de vos pensées à des réflexions sérieuses. Tout cela se rencontre aux fables que nous devons à Ésope. L'apparence en est puérile, je le confesse; mais ces puérilités servent d'enveloppe à des vérités importantes.
Je ne doute point, MONSEIGNEUR, que vous ne regardiez favorablement des inventions si utiles et tout ensemble si agréables, car peut-on souhaiter davantage que ces deux points ? Ce sont eux qui ont introduit les sciences parmi les hommes. Ésope a trouvé un art singulier de les joindre l'un avec l'autre. La lecture de son ouvrage répand insensiblement dans une âme les semences de la vertu, et lui apprend à se connaître sans qu'elle s'aperçoive de cette étude, et tandis qu'elle croit faire toute autre chose. C'est une adresse dont s'est servi très heureusement celui sur lequel Sa Majesté a jeté les yeux pour vous donner des instructions. Il fait en sorte que vous apprenez sans peine, ou, pour mieux parler, avec plaisir, tout ce qu'il est nécessaire qu'un prince sache.
1. Ésope : fabuliste grec dont s'est inspiré La Fontaine.
4) Charles Perrault, « Les Fées », Histoires ou contes du temps passé avec des moralités, 1697.
Il était une fois une veuve qui avait deux filles ; l'aînée lui ressemblait si fort et d'humeur et de visage, que qui la voyait voyait la mère. Elles étaient toutes deux si désagréables et si orgueilleuses qu'on ne pouvait vivre avec elles. La cadette, qui était le vrai portrait de son Père pour la douceur et pour l'honnêteté, était avec cela une des plus belles filles qu'on eût su voir. Comme on aime naturellement son semblable, cette mère était folle de sa fille aînée, et en même temps avait une aversion effroyable pour la cadette. Elle la faisait manger à la cuisine et travailler sans cesse.Il fallait entre autres choses que cette pauvre enfant allât deux fois le jour puiser de l'eau à une grande demi lieue du logis, et qu'elle en rapportât plein une grande cruche. Un jour qu'elle était à cette fontaine, il vint à elle une pauvre femme qui la pria de lui donner à boire. - Oui-dà, ma bonne mère, dit cette belle fille ; et rinçant aussitôt sa cruche, elle puisa de l'eau au plus bel endroit de la fontaine, et la lui présenta, soutenant toujours la cruche afin qu'elle bût plus aisément. La bonne femme, ayant bu, lui dit :- Vous êtes si belle, si bonne, et si honnête, que je ne puis m'empêcher de vous faire un don (car c'était une Fée qui avait pris la forme d'une pauvre femme de village, pour voir jusqu'où irait l'honnêteté de cette jeune fille). Je vous donne pour don, poursuivit la Fée, qu'à chaque parole que vous direz, il vous sortira de la bouche ou une Fleur, ou une Pierre précieuse.Lorsque cette belle fille arriva au logis, sa mère la gronda de revenir si tard de la fontaine.- Je vous demande pardon, ma mère, dit cette pauvre fille, d'avoir tardé si longtemps ; et en disant ces mots, il lui sortit de la bouche deux Roses, deux Perles, et deux gros Diamants. - Que vois-je ? dit sa mère tout étonnée ; je crois qu'il lui sort de la bouche des Perles et des Diamants ; d'où vient cela, ma fille ? (Ce fut là la première fois qu'elle l'appela sa fille.) La pauvre enfant lui raconta naïvement tout ce qui lui était arrivé, non sans jeter une infinité de Diamants. - Vraiment, dit la mère, il faut que j'y envoie ma fille ; tenez, Fanchon, voyez ce qui sort de la bouche de votre sœur quand elle parle ; ne seriez-vous pas bien aise d'avoir le même don ? Vous n'avez qu'à aller puiser de l'eau à la fontaine, et quand une pauvre femme vous demandera à boire, lui en donner bien honnêtement. Il me ferait beau voir, répondit la brutale, aller à la fontaine. Je veux que vous y alliez, reprit la mère, et tout à l'heure.Elle y alla, mais toujours en grondant. Elle prit le plus beau Flacon d'argent qui fût dans le logis. Elle ne fut pas plus tôt arrivée à la fontaine qu'elle vit sortir du bois une Dame magnifiquement vêtue qui vint lui demander à boire :c'était la même Fée qui avait apparu à sa sœur mais qui avait pris l'air et les habits d'une Princesse, pour voir jusqu'où irait la malhonnêteté de cette fille.- Est-ce que je suis ici venue, lui dit cette brutale orgueilleuse, pour vous donner à boire, justement j'ai apporté un Flacon d'argent tout exprès pour donner à boire à Madame ! J'en suis d'avis, buvez à même si vous voulez. - Vous n'êtes guère honnête, reprit la Fée, sans se mettre en colère ; hé bien ! puisque vous êtes si peu obligeante, je vous donne pour don qu'à chaque parole que vous direz, il vous sortira de la bouche ou un serpent ou un crapaud.D'abord que sa mère l'aperçut, elle lui cria : - Hé bien, ma fille ! - Hé bien, ma mère ! lui répondit la brutale, en jetant deux vipères, et deux crapauds. - ô Ciel ! s'écria la mère, que vois-je là ? C'est sa sœur qui en est cause, elle me le payera ; et aussitôt elle courut pour la battre. La pauvre enfant s'enfuit, et alla se sauver dans la Forêt prochaine.Le fils du Roi qui revenait de la chasse la rencontra et la voyant si belle, lui demanda ce qu'elle faisait là toute seule et ce qu'elle avait à pleurer. Hélas ! Monsieur c'est ma mère qui m'a chassée du logis. Le fils du Roi, qui vit sortir de sa bouche cinq ou six Perles, et autant de Diamants, la pria de lui dire d'où cela lui venait. Elle lui conta toute son aventure. Le fils du Roi en devint amoureux, et considérant qu'un tel don valait mieux que tout ce qu'on pouvait donner en mariage à un autre, l'emmena au Palais du Roi son père où il l'épousa. Pour sa sœur elle se fit tant haïr que sa propre mère la chassa de chez elle ; et la malheureuse, après avoir bien couru sans trouver personne qui voulût la recevoir alla mourir au coin d'un bois.
Moralité : Les Diamants et les pistolesPeuvent beaucoup sur les Esprits ;
Cependant les douces paroles
Ont encore plus de force, et sont d'un plus grand prix.
Autre Moralité :
L'honnêteté coûte des soins,
Elle veut un peu de complaisance,
Et souvent dans le temps qu'on y pense le moins.
Mais tôt ou tard elle a sa récompense,
Autre Moralité :
L'honnêteté coûte des soins,
Elle veut un peu de complaisance,
Et souvent dans le temps qu'on y pense le moins.
Mais tôt ou tard elle a sa récompense,
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