LA n° 2 : Chapitre 6 , « Le Ministre » (p.22)
de « Il fit sentir à tout le monde » à la fin du chapitre
Problématiques :
Montrer qu'il s'agit d'un apologue de réflexion morale caractéristique des Lumières ;
Comment Voltaire dessine-t-il un idéal de Justice ?
I. Un conte divertissant
A. Les ingrédients du conte :
* ville mythique (Babylone) et passé lointain (aucune indication temporelle, seulement du passé simple + imparfait)
* personnages généraux : absence de nom, de précision physique, types de caractères : père aimé, fils aimant, fils intéressé, femme manipulée, amant honnête, amant cupide = qualités et défauts humains universels,
* thèmes universels (argent (« trente mille pièces d'or », mariage),
* une schéma narratif simle pour chaque récit encadré
* présence d'une morale humaniste et chrétienne (comme dans les contes de fées) => Jugement du Roi salomon
B. Un récit vivant
-Insertion du discours direct
-Temps du récit : principalement passé simple, peu d'imparfait = actions qui font avancer le récit
-Passage au présent de narration dans le 2ème récit : « la cause est portée », « il fait venir »
-Tous types de phrases : interrogatives, exclamatives, déclaratives, injonctives
-Multiples parallélismes de construction
-Répétition d'expressions : « Dieu soit loué » (l.27 et 30); « c'est moi qui ai » (l.40-41)
-Phrases courtes et en parataxe ou coordination (pas de subordonnées).
C. Parallélisme des deux récits en abyme :
Il y a de fortes ressemblances entre les deux récits, ils sont construits sur le même modèle :
Récit 1 | Récit 2 | |
-le portrait des protagonistes | « fameux négociant » | « fille fort riche » |
-le conflit en question | « récompenser celui des fils » | « identifier celui des pères » |
-l'intervention de Zadig | « les fit venir tous les deux » | « Il fait venir les deux mages » |
-le comportement de chacune des parties | « l'aîné lui bâtit... le second augmenta... » | « je lui apprendrai... je tâcherai de le rendre... » |
-le jugement rendu dans les deux récits (emploi du futur) | « vous aurez les trente mille pièces » | « tu épouseras sa mère » |
-les répétitions et éléments du double : | « deux fils » « l'un après l'autre » « les fit venir tous deux » | « deux mages » « l'un et l'autre » « fait venir les deux mages » |
= parallélisme entre les deux histoires.
Mais la 2nde est très nettement inspirée du Jugement du Roi Salomon alors que la 1ère non.
II. Une réflexion morale caractéristique des Lumières
A. un ministre « éclairé »
Voltaire dessine le portrait du monarque éclairé tel qu'il le conçoit :
- Insistance sur son caractère exceptionnel :
* "talent"répété 2 fois, à chaque fois précédé d'un qualificatif hyperbolique : "principal talent" et "grand talent" (l. 13 et 16) + "grand principe"
* présentatif : "c'est de lui que" => effet d'insistance sur son influence universelle : "les nations"
* opposition entre lui et le reste des hommes : "son principal talent... tous les hommes" l.14
* comparé explicitement à Zoroastre (prophète persan de l'Antiquité) l.8, et implicitement à Salomon l.52, deux sages de deux religions différentes => Zadig est un sage déiste, sans religion déterminée.
- Il a de nombreuses qualités :
* équitable : champ lexical de l'équité (jugeait, tempérait, équité) et impartial (égalité du traitement des deux protagonistes dans chaque récit)
- Insistance sur son caractère exceptionnel :
* "talent"répété 2 fois, à chaque fois précédé d'un qualificatif hyperbolique : "principal talent" et "grand talent" (l. 13 et 16) + "grand principe"
* présentatif : "c'est de lui que" => effet d'insistance sur son influence universelle : "les nations"
* opposition entre lui et le reste des hommes : "son principal talent... tous les hommes" l.14
* comparé explicitement à Zoroastre (prophète persan de l'Antiquité) l.8, et implicitement à Salomon l.52, deux sages de deux religions différentes => Zadig est un sage déiste, sans religion déterminée.
- Il a de nombreuses qualités :
* équitable : champ lexical de l'équité (jugeait, tempérait, équité) et impartial (égalité du traitement des deux protagonistes dans chaque récit)
* modeste : parallélisme inversé de la 1ère phrase : "il fait sentir à tout le monde ... et ne fit sentir à personne" => insiste sur sa modestie, le fait qu'il n'abuse pas de sa fonction ("sa dignité".
* intelligent : en une seule phrase à chaque fois, il réussit à démêler des cas à première vue inextricables : par une ruse ("votre père n'est point mort") ou une question précise ("qu'enseigneras-tu à ton pupille ?").
* recherchant la vérité : "démêler la vérité"
* tolérant : "ne gêna point les voix du divan", "avoir un avis sans lui déplaire" l.2-3
* intelligent : en une seule phrase à chaque fois, il réussit à démêler des cas à première vue inextricables : par une ruse ("votre père n'est point mort") ou une question précise ("qu'enseigneras-tu à ton pupille ?").
* recherchant la vérité : "démêler la vérité"
* tolérant : "ne gêna point les voix du divan", "avoir un avis sans lui déplaire" l.2-3
=> portrait du monarque éclairé ou philosophe-roi. Idéal qu'il tentera d'appliquer à son ami Frédéric II de Prusse 2 ans plus tard.
B. des valeurs politiques caractéristiques des Lumières
- Morale explicite aux l.10 et 11 : présent de vérité générale (« tiennent, vaut ») + comparaison de contraires : (« sauver, coupable, condamner, innocent ») => morale sur la présomption d'innocence, qui n'entrera en vigueur en France qu'en 1789 avec la Déclaration des Droits de l'Homme.
- Autres morales implicites sur la Justice et la représentation du peuple :
*La loi doit l'emporter sur le bon vouloir du monarque : "ce n'était pas lui qui jugeait, c'était la loi" => souveraineté de la loi et non du monarque
*Prise en compte des circonstances atténuantes : "lorsqu'elle [la loi] était trop sévère, il la tempérait"
*Prise en compte des circonstances atténuantes : "lorsqu'elle [la loi] était trop sévère, il la tempérait"
*la présomption d'innocence (on l'a vu);
*une justice exemplaire (Zadig = excellent juge) ;
- Morales implicites sur la représentation et les droits du peuple :
*la liberté d'expression : "chaque visir pouvait avoir un avis sans lui déplaire"
*la liberté d'expression : "chaque visir pouvait avoir un avis sans lui déplaire"
*le respect des représentants du peuple : "il ne gêna point les voix du divan" ;
*les citoyens ont des droits : "les lois étaient faites pour secourir les citoyens" (ils n'ont pas seulement des devoirs)
-Critiques implicites : *les citoyens ont des droits : "les lois étaient faites pour secourir les citoyens" (ils n'ont pas seulement des devoirs)
* la Justice inique de son pays : la morale des l.10 et 11 est précédée d'une phrase ironique impliquant que la France obéirait à ce grand principe ("les nations tiennent ce grand principe"). Or on sait qu'il n'est est rien dans la France du XVIIIème siècle lorsqu'on connaît l'implication de Voltaire pour réhabiliter le Chevalier de la Barre ou la mémoire de Jean Calas, une quinzaine d'années plus tard.
* la monarchie absolue de droit divin : "pouvoir sacré des lois", qui s'oppose implicitement au "droit divin" dont jouit le monarque du XVIIIè.
* l'obscurantisme : "la vérité que tous les hommes cherchent à obscurcir" = métaphore de l'obscurité contre laquelle les Lumières doivent agir.
* la monarchie absolue de droit divin : "pouvoir sacré des lois", qui s'oppose implicitement au "droit divin" dont jouit le monarque du XVIIIè.
* l'obscurantisme : "la vérité que tous les hommes cherchent à obscurcir" = métaphore de l'obscurité contre laquelle les Lumières doivent agir.
C. Et des valeurs humanistes et chrétiennes
- Idéal de Vérité : pour illustrer la phrase "son principal talent était de démêler la vérité"
* Il faut recherche la vérité par la mise à l'épreuve et ne pas se contenter des apparences : noter le parallélisme entre les deux phrases : "chacun disait : "c'est l'aîné qui aime le mieux son père", or Zadig dit au cadet : "c'est vous qui aimez le mieux votre père" = fait ressortir la sagacité de Zadig contre le commun des mortels
* les sentiments affichés peuvent être trompeurs : les valeurs essentielles (l'amour pour un père et pour une soeur) l'emportent contre les valeurs ostentatoires (l'argent).
* Il faut recherche la vérité par la mise à l'épreuve et ne pas se contenter des apparences : noter le parallélisme entre les deux phrases : "chacun disait : "c'est l'aîné qui aime le mieux son père", or Zadig dit au cadet : "c'est vous qui aimez le mieux votre père" = fait ressortir la sagacité de Zadig contre le commun des mortels
* les sentiments affichés peuvent être trompeurs : les valeurs essentielles (l'amour pour un père et pour une soeur) l'emportent contre les valeurs ostentatoires (l'argent).
- Idéal d'éducation :
* champ lexical de l'éducation et du savoir dans le 2ème récit : ("mages, instructions, éducation, élever, enseigneras, apprendrai")
* mais le savoir-être (les valeurs) l'emportent sur les connaissances (énumération prétentieuse de disciplines plus ou moins philosophiques l.47 à 50). Voltaire reprend l'idée de Rabelais (Humaniste, XVIème siècle), selon laquelle il vaut mieux "une tête bien faite qu'une tête bien pleine".
- Morale de justice individuelle : parallèle avec le Roi Salomon, Juste parmi les Justes (on peut montrer les ressemblances entre les deux récits) + les valeurs principales soutenues par le dernier mage : "juste" l. 51 est cité en 1ère qualité, avant "digne d'avoir des amis" (= qualité sociale)
* champ lexical de l'éducation et du savoir dans le 2ème récit : ("mages, instructions, éducation, élever, enseigneras, apprendrai")
* mais le savoir-être (les valeurs) l'emportent sur les connaissances (énumération prétentieuse de disciplines plus ou moins philosophiques l.47 à 50). Voltaire reprend l'idée de Rabelais (Humaniste, XVIème siècle), selon laquelle il vaut mieux "une tête bien faite qu'une tête bien pleine".
- Morale de justice individuelle : parallèle avec le Roi Salomon, Juste parmi les Justes (on peut montrer les ressemblances entre les deux récits) + les valeurs principales soutenues par le dernier mage : "juste" l. 51 est cité en 1ère qualité, avant "digne d'avoir des amis" (= qualité sociale)
Remarque 1 : explication très rapide des différentes disciplines l.47 à 50 :
- les huit parties d'oraison = parties du discours, art rhétorique
- la dialectique = type de raisonnement qui consiste à analyser une thèse puis son contraire pour trouver la vérité
- l'astrologie = étude des astres
- la démonomanie = croyance en la présence des démons
- la substance et l'accident = ce qu'il y a de permanent dans les choses = son essence (la substance) et ce qui change d'un objet à l'autre = couleur, forme... (l'accident)
- l'abstrait et le concret = ce qui est perçu par les sens (concret) et ce qui est intellectualisé (abstrait)
- les monades = plus petite unité d'une chose ou d'un être, et qui en compose sa nature.
- l'harmonie préétablie = chaque monade est le miroir de l'univers entiers, mais reflète en même temps cet univers de manière différente de toute autre monade. C'est seulement une différence de point d'observation d'un seul et même univers voulu par dieu = philosophie de Leibniz.
Remarque 2 : ... quelques interrogations sur l'immoralité de ces récits :
- Le père laisse un héritage égal à ses deux fils, mais cherche également à récompenser le fils qui l'aime le plus. Seul un parent tordu peut chercher à récompenser l'enfant qui l'aime le plus.
- La ruse de Zadig pour rechercher la vérité dans le 1er récit : faire croire que le mort n'est pas vraiment mort. Là aussi, c'est vraiment une stratégie tordue !
- les huit parties d'oraison = parties du discours, art rhétorique
- la dialectique = type de raisonnement qui consiste à analyser une thèse puis son contraire pour trouver la vérité
- l'astrologie = étude des astres
- la démonomanie = croyance en la présence des démons
- la substance et l'accident = ce qu'il y a de permanent dans les choses = son essence (la substance) et ce qui change d'un objet à l'autre = couleur, forme... (l'accident)
- l'abstrait et le concret = ce qui est perçu par les sens (concret) et ce qui est intellectualisé (abstrait)
- les monades = plus petite unité d'une chose ou d'un être, et qui en compose sa nature.
- l'harmonie préétablie = chaque monade est le miroir de l'univers entiers, mais reflète en même temps cet univers de manière différente de toute autre monade. C'est seulement une différence de point d'observation d'un seul et même univers voulu par dieu = philosophie de Leibniz.
Remarque 2 : ... quelques interrogations sur l'immoralité de ces récits :
- Le père laisse un héritage égal à ses deux fils, mais cherche également à récompenser le fils qui l'aime le plus. Seul un parent tordu peut chercher à récompenser l'enfant qui l'aime le plus.
- La ruse de Zadig pour rechercher la vérité dans le 1er récit : faire croire que le mort n'est pas vraiment mort. Là aussi, c'est vraiment une stratégie tordue !
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