samedi 6 mars 2010

Stances à Marquise, Corneille

Introduction : Poème écrit en 1658 par le dramaturge classique Corneille, pour Thérèse Du Parc, comédienne de la troupe de Molière très courtisée, et que l'on surnommait « Marquise ».

1)Le poème reprend des caractéristiques du Carpe Diem :
- thèmes traditionnels : la beauté (la rose : signe de la beauté + motif récurrent du Carpe Diem) ; le temps qui passe (métaphore de la rose qui fane + emploi du futur)
- s'adresse à une femme (« Marquise »)
- se termine par un conseil à l'impératif, sorte de morale de Carpe Diem (« Pensez-y »)

2)Sa structure :
- 1ère partie = 3 premiers quatrains : Le poète effraie Marquise (le temps attaque la beauté physique)
- 2ème partie= quatrains n°4 à 7 : Le poète célèbre sa propre gloire ; immortalité du poète contre beauté éphémère
- 3ème partie = 2 derniers quatrains : Conseil de Carpe Diem

3)Représentation du temps qui passe :
- la rose qui se fane v. 7 + front ridé v. 8 = ravages du temps sur les vivants
- le cours des planètes + jours et nuits = immuabilité et circularité du temps céleste
=> Marquise, à l'image de la rose ; poète à l'image des planètes ...

4)Le ton du poète est autoritaire :
- impératif aux v. 3 et 29
- certitude au v.12 (affirmation cruelle !)
- Vers 21 à 28 : sorte de chantage : comme ses vers sont immortels, c’est le poète qui choisit l’image de Marquise à laisser. Il fait comprendre à Marquise le pouvoir de ses vers (donc de lui-même) en lui expliquant qu’ils seront la seule trace d’elle dans le futur (elle a donc intérêt à ne pas le repousser si elle veut qu'il dise du bien d'elle).

5)La stratégie argumentative utilisée :
a) Il tente de la persuader (joue sur les sentiments) :
- joue sur la peur et le mépris,
- fait la morale. I Il est ironique.
- Il se pose en supérieur (il se désigne par le « front »v. 8, siège de la pensée ; il est très orgueilleux : dénigre la beauté terrestre au v.20 contre son intellect)
- Il fait la morale (« Pensez-y »)
b) Il tente de convaincre :
- connecteurs : « si, comme, cependant, mais, quand, qu'autant que, quoiqu' »
- arguments : le temps vous ridera, mais je peux vous rendre immortelle si vous acceptez de me courtiser
- conclusion : « pensez-y » ...

6)Le terme « Stances » du titre :
définition de « stance » : poème lyrique d’inspiration grave, religieuse.
Or ici, beaucoup d'ironie, peu de gravité, le poème est plus un jeu avec Marquise qu'autre chose.
L'appellation « Stances » est donc ironique.

7)Figures de style les plus signifiantes :
« fané vos roses » (v.7) : métaphore archi connue
«mon front » v. 8 et « des yeux » v. 22 : synecdoques : le front représente Corneille (plus précidément, le front montre que Corneille est intelligent, lui !) ; les yeux représentent la beauté de Marquise (mais ce sont ces mêmes yeux qui se fermeront un jour ...)
« On m'a vu ce que vous êtes // Vous serez ce que je suis. » chiasme faisant opposition de ce qu’est l’auteur avec ce qu’est Thérèse. (v.11 et 12).
« assez éclatants » v. 14 : oxymore (soit c'est éclatant, soit ça ne l'est pas, mais ça peut difficilement être « assez » éclatant ! = fausse modestie du poète
« Ceux que vous méprisez » v. 18 = périphrase désignant les charmes de Corneille

8)Ironie très présente tout au long du poème :
Ironie = décalage entre ce que l’on attend et ce qui est énoncé (le décalage provoque un effet de surprise, et un effet comique).
- A la fin de chacune des 3 premières strophes : Corneille ne prend pas de gants pour évoquer la vieillesse future de Marquise.
- Auto-satisfaction bien trop éclatante : Corneille se compare à un dieu (à un démiurge, c'est à dire un créateur d'univers), capable d'immortaliser qui il veut + noter quelques expressions comme « quand il est fait comme moi » v. 32, « où j'aurai quelques crédit » v. 26, « j'ai quelques charmes » v. 13 … qui prouvent soit un orguieil démeusuré, soit de l'auto-dérision.

9)Que célèbre Corneille ?
On pourrait d'abord croire qu'il célèbre Marquise et sa beauté : champ lexical de la beauté (« belles », « vos roses », « charmes »...)
Mais en réalité, il parle beaucoup plus de lui que d'elle : il utilise beaucoup le « je », à ce moment là les tournures sont positives. Mais lorsqu’il utilise le « vous » c’est dans des tournures négatives (« vous ne vaudrez » v. 4 ; « vous ne passerez » v. 27).
La jeune comédienne un faire-valoir pour le poète : il se valorise auprès d'elle.

Conclusion : poème qui réutilise les motifs traditionnels du Carpe Diem de Ronsard, mais qui en détourne la fonction : au lieu d'être une invitation à l'amour et à la vie, c'est plutôt une opposition entre la beauté physique éphémère de la femme et le génie immortel du poète.

Problématiques possibles :En quoi ce poème est-il un poème du carpe diem ?
En quoi ce poème dévalorise-t-il la beauté de Marquise ?
Quelle est la visée de ce poème ?
La déclaration de Corneille vous semble-t-elle efficace ?
En quoi ce poème célèbre-t-il le génie du poète ?
De qui Corneille fait-il réellement l’éloge ?

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